Le Conseil d'Etat (section du contentieux),
Sur le rapport de la 8e sous-section de la section du contentieux,
Vu, enregistré le 13 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'arrêt du 29 novembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, avant de statuer sur la requête de Mme Annie Mouthe tendant à l'annulation du jugement du 3 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1o Au cours de l'instance de divorce, la fixation de la résidence habituelle des enfants chez l'un des parents pendant cette période doit-elle être regardée comme l'attribution de la garde juridique des enfants à ce parent au sens et pour l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 194 du code général des impôts ?
2o Postérieurement au jugement de divorce, lorsque les parents divorcés exercent en commun l'autorité parentale à l'égard des enfants nés de leur union et adoptent la formule dite de la « garde alternée » pour ces enfants, qui vivent ainsi ensemble tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, chacun des ex-époux contribue quasiment à part égale et dans la proportion de ses moyens à l'exécution de l'obligation d'entretien et d'éducation de ses enfants ; dans ce cas et pour l'application de l'article 196 du même code, devant l'impossibilité de déterminer celui des ex-époux qui a la charge exclusive des enfants, le bénéfice du quotient familial afférent à ces enfants peut-il être légalement attribué à l'un ou l'autre des anciens époux ou n'y a-t-il pas lieu d'abandonner le critère de charge exclusive pour l'attribution du quotient familial et d'accorder son bénéfice à celui des ex-époux chez lequel le jugement de divorce a fixé la résidence habituelle des enfants ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi no 87-570 du 22 juillet 1987 relative à l'exercice de l'autorité parentale ;
Vu la loi no 93-22 du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant, portant modification du code civil et instituant le juge aux affaires familiales ;
Vu la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, auditeur ;
- les conclusions de M. Bachelier, commissaire du Gouvernement,
Rend l'avis suivant :
I. - Aux termes du 4 de l'article 6 du code général des impôts : « Les époux font l'objet d'impositions distinctes : (...) b) lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées (...). »
L'article 193 de ce code dispose : « (...) Le revenu imposable (...) est, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable (...). »
En vertu du premier alinéa de l'article 194 du même code, le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable est fixé compte tenu de la situation de famille du contribuable et du nombre d'enfants qu'il a à sa charge.
Le deuxième alinéa du même article prévoit qu'en cas d'imposition séparée des époux par application du 4 de l'article 6, chaque époux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il a la garde.
Par ailleurs, l'article 196 dudit code dispose : « Sont considérés comme à charge du contribuable, à la condition de ne pas avoir de revenus distincts de ceux qui servent à l'imposition de ce dernier : 1o Ses enfants âgés de moins de dix-huit ans ou infirmes (...). »
Enfin l'article 197 de ce code plafonne la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial.
II. - Eu égard à l'évolution des dispositions du code civil relatives au divorce et à l'autorité parentale et notamment aux circonstances que, depuis la loi du 22 juillet 1987, l'autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents et que, depuis la loi du 4 mars 2002, ces dispositions ne font plus référence à la notion de garde juridique des enfants nés de parents séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce, il y a lieu, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de retenir que le seul critère d'attribution de la majoration du quotient familial prévue au premier alinéa de l'article 194 de ce code est celui de la répartition, entre deux parents distinctement imposés, de la charge effective d'entretien et d'éducation des enfants mineurs nés de leur union, que ces parents soient séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce.
Pour la preuve de cette répartition, toute convention conclue par les parents, homologuée par le juge judiciaire et stipulant leurs contributions respectives à la couverture de cette charge fait foi jusqu'à preuve du contraire ; à défaut de convention, cette preuve peut être apportée par tout moyen.
III. - Lorsque la charge effective d'entretien et d'éducation d'un enfant mineur est répartie de façon inégale entre ses parents séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce et distinctement imposés, le bénéfice de la majoration du quotient familial prévue au premier alinéa de l'article 194 du code général des impôts est acquis à celui d'entre eux qui justifie supporter la part principale de cette charge, quels que soient tant les modalités de résidence de cet enfant chez ses parents que le mode d'exercice de l'autorité parentale.
IV. - Lorsqu'il est établi que la charge effective d'entretien et d'éducation d'un enfant mineur est répartie de façon égale entre ses parents séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce et distinctement imposés, il y a lieu, en l'absence de dispositions de la loi fiscale adaptant celle-ci à l'évolution du code civil, et pour assurer aux contribuables le bénéfice de l'avantage fiscal voulu par le législateur dans les limites que celui-ci a fixées, de procéder de la manière suivante :
- le bénéfice de la majoration du quotient familial est attribué à celui des parents que la convention homologuée par le juge judiciaire a expressément désigné à cette fin ;
- en l'absence d'une telle convention ou dans son silence, l'enfant est réputé à la charge de chacun de ses parents, au sens et pour l'application de l'article 196 du code général des impôts, mais n'ouvre droit qu'à un avantage égal à la moitié de celui prévu au premier alinéa de l'article 194 et à l'article 197 de ce code pour un enfant de même rang.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Lyon, à Mme Annie Mouthe et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
(1) Avis no 241036 du 14 juin 2002.